Lundi je suis passé à l’hôpital pour le renouvellement de mon ordonnance. La petite Blonde a le cœur si fragile. Hôpital et non cabinet, mon docteur étant à la fois libéral et social. Et assez gai de tempérament. D’orientation, je ne saurais dire et de toute façon, gaydar ou pas, cela ne me regarde pas. Accoudé au comptoir en train de ranger ma paperasserie, je suis resté quelques instants à me poser une question lancinante : mais ce garçon-là, à côté de moi, qui lui aussi est passé en consultation, d’où le connais-je ? Une Gaypride ? Oui, il s’appelle Philippe. Le beau Philippe, même âge que moi, mais à l’époque, je venais d’arriver à Paris et lui faisait la couve et le portfolio de Gai Pied. Des photos sublimes, un regard intense, un grand béguin. Je l’ai rencontré en vrai un peu plus tard au Gay Tea Dance du Palace. Papotage, mais pas de concrétisation de mes rêves mouillés et douillets. Aujourd’hui, il a les cheveux plus que sel que poivre et quelques rondeurs. Même regard. Réminiscence. Ou, pour persifler « A la recherche du temps perdu » de Proust, en anglais « Remembrance of Things Past ».
Donc le prénom est un présage. Serait-ce pour cette raison que ma rencontre avec le petit Philippe (cf. post infra) se soit soldée par un échec. Une semaine d’excitation, de préparations, de dates de rencontre à chaque fois reportées, lundi, mercredi, vendredi, sachant que je ne demandais rien, qu’il a lui insisté de venir chez moi, pour finalement …. Voici son explication par mail :
"Je t’écris ce petit mail, puisque je n’ai pas pu te parler hier ; j’ai bien eu ton message me disant que tu étais aux Halles, mais je ne voulais pas t’appeler, parce que je voulais être tranquille pour te parler. Voilà une semaine que nous avons fait connaissance ! Quelle rencontre ! Je dois t’avouer que je ne m’attendais pas à rencontrer un garçon aussi humain et intéressant que toi là où nous avons « fait connaissance ». Pas dans les meilleures circonstances qui soient, ça, c’est sûr, mais enfin, on ne choisit pas toujours les circonstances, sûrement. Je tiens à te dire avant tout le reste de ce que j’ai à t’écrire que je suis ravi de t’avoir rencontré. Vendredi soir, je voulais parler de choses plus prosaïques, mais j’ai eu énormément de plaisir à t’écouter, et à entendre ce que tu avais à me dire sur ta vie, tes expériences. Depuis notre rencontre dimanche il y a une semaine, nous avons tous les deux fait notre chemin dans notre tête vis-à-vis de l’autre. Je me dois d’être loyal vis-à-vis de toi, parce que je t’apprécie. Nous n’allons pas dans le même chemin. Avant que tu t’amouraches trop de moi, je dois te dire que ce que je souhaite voir naître entre nous est de l’ordre de l’amitié. Je ne me sens pas amoureux de toi, et je pense que ce serait une erreur de se dire que le sexe pourrait être une compensation. J’aimerais, si tu veux bien, trouver une petite place dans un coin de ta vie, comme un garçon pour qui tu aurais de la sympathie. J’en serais très heureux. Je ne peux pas te promettre ce que je ne peux pas te donner, mais je peux en revanche te proposer un chemin qui nous convienne à tous les deux, si tu veux bien toi aussi, essayer de devenir pour moi quelque un pour qui j’aurais de la sympathie et qui sait, peut-être un jour, de l’amitié. J’aurais voulu te dire tout ça vendredi, mais les circonstances ne s’y prêtaient pas. J’espère que tu ne vois rien d’impoli dans le fait que je te dise tout ça par écrit, mais je l’avoue volontiers, c’est plus facile à écrire qu’à dire. Libre à toi de donner suite à notre relation si tu le souhaites, ou non, si je t’ai déçu. J’espère avoir la joie de t’entendre, et de te revoir bientôt. Philippe."
La petite chose blonde et romantique s’emballa encore une fois trop vite, souffrit, douta et ne comprit rien de ce que lui arriva. Cela m’a fait mal, non pas pour ce que j’attendais, je n’en attendais d’ailleurs rien, consciemment, mais pour la blessure d’un espoir inconscient qui se mettait en place, amour naissant fragile et frais, sublime, léger, un espoir. Je voulais y croire, dans mon fort intérieur, que le possible soit encore une voie praticable. Il ne me restera que la madeleine trempée d’infusion de tilleul. Samedi dernier, il n’a pas rappelé pour le rendez-vous amical que nous nous étions fixés.