Flent montes et daemones aperuerunt
Avant-hier, léger désagrément dans la bouche entre la canine et la prémolaire supérieures. Hier sérieux soupçon d’inflammation de la gencive. Ce matin, toujours cette douleur diffuse. Dans la matinée, devant le boulot chiant et les saisies débiles, rage de dent et assurance que c’est bien une carie qui pourrit, et à moi ma vie avec. Grosse frayeur, la panique, je me vois avec un trou béant car la dent étant irrécupérable, il faut l’extraire. Voilà ma hantise depuis que je suis tout petit, mes dents, mauvaises dents, jaunes, mal alignées, remplies de plombage parce qu’évidemment, étant gosse, j’adorais tout ce qui est sucré et ne me suis jamais astreint à me brosser régulièrement les dents. Mes patents ne l’ont peut-être pas jugé nécessaire, eux qui avaient également une dentition assez abîmée. J’ai flippé à mort étant ado, de rire à belles dents ou d’embrasser, justement parce que mes incisives étaient si mal alignées. La télé montrait les jeunes et beaux spécimens Hollywood Chewingum et autres Ultra Bride, moi je n’arborais pas la belle nacre blanche. J’avais des boutons d’acné plein partout. Et le dos rond, un peu de bide, des lunettes, tout l’attirail de l'intello pas beau gosse pour un sou.
Ensuite, cette fixation sur la perte de mes dents, les trous, la honte de devoir porter un appareil ou aujourd’hui, plus en rapport avec mon âge, un dentier, voilà une descente aux enfers facile que j’ai pratiqué la nuit dernière, où je n’ai pratiquement pas dormi car j’appréhendais que les douleurs de la gencive ne présagent rien de bon. Déjà que j’ai la peau flasques, les fesses pendouillantes, je ne me voyais pas pouvoir affronter la drague avec un râtelier. Très sexe, se pencher pour sucer et enlever le dentier d’abord.
In fine, là je sors de chez le dentiste. Il va probablement pouvoir rattraper la vilaine, une racine est morte, une vit encore. Vendredi prochain, nouvelle piqûre d’anesthésie locale, — un truc que je déteste car cela ne m’empêche pas de sentir physiquement la fraise gratter la paroi dentaire — et plombage définitif. Quand même cinq jours d’antibiotiques, afin de prévenir que les germes qui pourrissaient habilement dans la racine sacrifiée ne s’attaquent maintenant à la survivante.
Réaction débile, je n’ai absolument pas honte des cicatrices de ma chirurgie cardiaque, et je flippe à l’idée de porter de fausses dents. Je porte mes lunettes sans arrière-goût, sauf dans les baisodrôme où il faut être opérationnel, donc plutôt lentilles de contacts, aussi tout simplement par ostracisme pédé envers les binoclards. La liste des défauts de fabrication pour lequel le jeune gai d’aujourd’hui demande un échange standard n’étant pas figée.