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Journal d'une Dramaqueen
2 juin 2008

Les questions de l'âge - J-124

Vous vous rappelez — ou non, justement — que dans l’album « Astérix en Corse » parue en 1973 (sic !) il y a ce groupe de petit vieux qui commente les allez et venues des un et des autres, personnages espiègles, visiblement passés au-delà de du temps réel, drapés de la dignité. Je me suis un peu senti comme eux samedi dernier, après mes courses, en prenant ma petite Adel comme d’hab au Cox où je suis tombé pile poil sur M. S’enchaîna une discussion assez lucide quoique teintée de regret et d’effarement devant cette nouvelle génération de jeunes qui nous regardent, lui et moi, comme des dinosaures d’un autre âge. L’époque révolue qui frise l’exploit historique. M. exprimait son étonnement de voir que le simple fait d’avoir pu croiser et fréquenter Andy Warhol à Paris lorsque M. y commençait ses études, fait de lui aujourd’hui un genre de bête de foire sorti de science-fiction. Ses jeunes collaborateurs restent sans voix devant le fait que quelqu’un comme lui, vivant, puisse avoir côtoyé de son vivant une figure aussi historique que célèbre comme le grand peintre. Décalage entre notre ressenti et la réalité des années sur notre compteur. Que dire à cette jeune collègue qui se bat avec sa fille en train de commencer sa puberté ? Et toi, tu te dis, mais holà, c’était hier, comment peut-elle déjà être mère avec ce genre de souci quand je suis à peine sorti de mes vingt ans ? L’année dernière, je me sentais pareillement rappelé à l’ordre des choses quand une collègue lança un tonitruant « il a quarante-neuf ans » lors d’un pot de je ne sais plus quoi (Alzheimer guette) fêté à TOPQ, et qu’un autre collègue me regarda, ébahi de ses vingt-sept ans et m’asséna un « mais tu pourrais être mon père » lourd comme le coup de massue qui exclue immédiatement et relègue dans la catégorie sociale supérieure, celle des respectables à famille et enfants.

Dimanche, l’ours a gentiment accordé ses violons avec mes sorties. Nous nous sommes retrouvés au Carrefour, sirotant un chocolat chaud en terrasse, entourés de jeunes gens, très Marais, très dinde, très gymqueen, et aussi très neuf-trois, Laïus sur les aléas du temps. AIDES et Act-Up qui semblent vouloir organiser un char commun pour la Gay Pride. Oups. C’est déjà dans quatre semaines. Les nuages s’accumulent, il ne pleut pourtant pas. Le gris rend triste. L’ours et moi, nous évoquons divers moments. La conversation glisse vers mes états d’âme. Le tic-tac de la montre dans ma tête. L’été qui est presque arrivé, donc les jours vont décliner en longueur. Le vide sidéral dans ma vie affective. No possibilité. Le mur du çon de la cinquantaine qui pèse en épée de Damoclès sur ma tête. L’impossibilité de draguer, puisqu’aujourd’hui cela se fait virtuellement sur le net, là où je ne suis pas parce que je n’ai rien à claver, à dire. L’ours me jette un « tu tires un trait sur les vingt prochaines années sans même savoir ce qu’elles te réserveront ». Oui. Parce que je suis vieux. Troisième âge. Une période pour laquelle je n’ai pas de mode d’emploi, pas de référent. J’ai toujours la vingtaine dans ma tête, probablement parce que j’ai loupé le passage des vingt-cinq à quarante-cinq, quand on se marie et que les enfants arrivent. Que l’on les élève, divorce, ou se rabiboche. Ensuite. Oui, quoi ensuite. Je me promène en petit marcel blanc, et je suis ridé sur les fesses. Anachronique et ridicule en même temps. Je ne peux plus jouer au jeune ingénu. Ni séduire avec la fraîcheur naïve des quelques bonnes années, révolues il y a longtemps, pendant les années quatre-vingt-dix. Je n’ai pas de paradigme me permettant de déployer un charme de cinquantenaire. D’ailleurs en général, ils n’en ont pas. Tic-tac vers le vide. Là, vraiment je ne sais pas comment m’inventer, quelle attitude prendre. Il n’y a pas de dignité quand le bilan est nul. L’ours me demande s’il ne fallait pas revoir mes problèmes existentiels avec mon psy, mon cher Docteur L. Non. Il ne pourra pas m’aider cette fois-ci. Il ne me donnera pas le retour en arrière sur le chronomètre. Chronos qui dévore ses enfants. Il ne reste que peu sur ma carcasse, quelques lambeaux pour encore cacher la misère, mais le tissu s’effiloche, les trous et reprises s’accentuent. Il ne se passe rien. Et il n’y a aucune raison de croire que cela change. Le capital-investissement est épuisé. Simplement rien. Pendant encore vingt ans ? Je ne supporterai pas.

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  • Humeur au fil des jours sur la gaytitude parisienne d'un mec plus tout jeune et happé par les marasmes quotidien en pleine Pédalie. J'ai un gros grain et je l'assume, mais je n'ai pas la grosse tête.
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